Niépce correspondance et papiers

772 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS mais il est malheureux que tu nous aies laissé ignorer jusqu’ici, l’embarras de ta position, et ça nous fait bien de la peine. J’ai de même, soumis au notaire les sages réflexions dont tu as eu la bonté de me faire part, dans la conviction où tu étais que l’on pourrait se pas- ser des formalités exigées ; mais, tout en rendant pleine justice à la pureté, à la loyauté de tes principes et de tes sentimens à cet égard, il pense que ce serait nous abuser étrange- ment, et nous exposer à échouer complettement, que de prétendre nous soustraire aux for- malités requises en pareil cas, et aujourd’hui plus que jamais ; les prêteurs, d’après cet adage, que ce qui abonde ne vicie pas, voulant se // précautionner de toutes les garanties possibles. Ceci est d’une vérité incontestable, et ce n’est pas d’aujourd’hui seulement, que j’ai été à même de m’en convaincre 1 . Tu vois donc, mon cher ami, qu’il est indispensable et plus urgent que jamais, de t’occuper sans délai du prompt envoi des deux procurations. Je regrette sincèrement de ne pouvoir t’éviter cette démarche qui te force de te déplacer, et te détourne encore de tes utiles méditations ; mais, crois mois : ne rendons pas, par de nou- veaux retards, notre position plus mauvaise en indisposant contre nous nos créanciers. Pour prévenir toute difficulté ou mauvaise chicane de la part des nouveaux prêteurs, M r . Granjon te prie, mon cher ami, de ne pas manquer de désigner nominativement tes pro- priétés, tant celles qui te sont propres que celles qui sont indivises entre nous. Il a négligé de le spécifier dans le modèle de procuration, et tu voudras bien réparer ainsi cette omis- sion assez grâve ; ce qui te donnera une juste idée de la susceptibilité des faiseurs d’affaires d’aujourd’hui. Quant aux frais que t’occasionnera la démarche en question, tu ne dois pas craindre de te mettre à découvert en en faisant les avances ; car tu recevras de nouveaux subsides bien avant l’époque que tu as fixée pour la reprise de tes travaux. Cequi nous peine et nous inquiète beaucoup, mon cher ami, c’est le besoin de repos que tu éprouves. Si nous devions l’attribuer à toute autre cause qu’aux accablantes chaleurs qui probable- ment [...] 2 se font sentir où tu es, comme ici ; c’est-à-dire, à ta santé qui ne serait point enco- re parfaitement rétablie, et dont pourtant tu ne nous parles point ; cette idée, je te l’avoue, serait bien propre à nous affliger, à nous tourmenter, et nous te prierions en grâce de ne pas nous tenir plus longtems, dans une si pénible perplexité. Dieu veuille qu’il n’en soit pas ainsi ! 3 Avant d’achever ta machine pour la soumettre à l’examen de la Société Royale de Londres, tu fais très bien, mon cher ami, de réfléchir à tête reposée, et les yeux sur la machine 4 , afin d’être parfaitement assuré de tes moyens d’exécution lorsque tu apelleras un ouvrier ; car dans le fait tu ( ne ) peux t’en passer. Il nous est venu là-dessus // une idée dont je suis bien aise de te faire part, et sur laquelle je te prie de me dire ton avis. Nous pourrions, si ça te convenait, trouver ici un brave garçon, bon ouvrier, sur lequel tu pour- rais compter, et dont tu disposerais entierement. Nous te l’adresserions, mon cher ami, et tu prendrais ou tu nous instruirais préalablement, des arrangements à prendre avec lui. De cette manière tu aurais l’esprit tranquille, et l’ouvrage en irait mieux et plus vîte. Que nous serions contens et heureux si l’espoir dont tu nous flattes, que notre position changera avant un an, venait à se réaliser ! Nous avons bien besoin de le croire, mon cher ami, au milieu de tous les ennuis, de tous les désagrémens qu’on nous suscite ici directement ou 1824 1829 Des débuts de la photographie jusqu’à l’association avec Daguerre 1. En 1819-1820, Nicéphore avait cru ne jamais réussir à se débarrasser des « chicanes » qu’on lui opposait (v. 334-343). 2. Mot rayé illisible. 3. L’état de santé de Claude constituera l’essentiel des affaires « réellement urgentes » (v. 429) qui détermine- ront Nicéphore à partir pour l’Angleterre. 4. En écrivant ceci Nicéphore était alors loin de mesurer l’opportunité de son propos.

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