Niépce correspondance et papiers
N IEPCE 781 mettrai sa réponse à la fin de ma lettre ; mais bien sûrement tu recevras de la Société d’Encouragement, une expédition dudit rapport 1 . M r . Lemaitre, qui m’a parfaitement accueilli, et chez le quel je suis allé deux fois, m’a montré la grande planche en cuivre dont il m’a promis une épreuve 2 . Cette planche, parfaitement et très profondément gravée, est à peu près terminée ; car il en a tiré deux épreuves provisoires, et il ne s’occupe plus que de quelques légères corrections. Il parait mettre beaucoup de soin à cette gravure qui est de grande dimension, et ne peut manquer d’ajouter à la réputation dont il jouit comme artis- te. Ensuite, il a eu la complaisance de déployer devant nous son portefeuille. J’y ai vu de fort belles choses, mais n’étant point connaisseur, je ne puis émettre à cet égard une opi- nion motivée. Ceque je desire ( désirais ) voir de mes propres yeux, et savoir d’une manie- re plus positive, c’est principalement la // nécessité indispensable du burin indépendam- ment de l’action des acides, pour obtenir une épreuve vigoureuse. Ainsi d’après l’avis de M r . Lemaitre, je ne pourrais sans cela, me flatter d’un résultat satisfaisant ; mais ceci ne prouve rien contre la bonté de mon procédé qui lui parait toujours plus extraordinaire. Il m’engage donc fortement à poursuivre mes essais sur la gravure, surtout quant à leur appli- cation aux points de vue ; et même il m’a prié, en cas de réussite, de vouloir bien lui faire part de mes résultats ultérieurs. J’ai eu de plus fréquentes et de bien plus longues entre- vues avec M r . Daguerre. Il est venu nous voir hier : la séance a été de trois heures. Nous devons retourner chez lui avant notre départ, et je ne sais trop le tems que nous y reste- rons ; car ce sera pour la derniere fois, et la conversation, sur le chapitre qui nous intéres- se, est vraiment intarissable. Je ne puis, mon cher Isidore, que te répéter ceque j’ai dit à M r . de Champmartin. Je n’ai rien vu ici, qui m’ait plus frappé, qui m’ait fait plus de plaisir que le Diorama. Nous y avons été conduits par M r . Daguerre, et nous avons pu contempler tout à notre aise, les magnifiques tableaux qui y sont exposés. La vue intérieure de S t . Pierre de Rome 3 , par M r . Bouton 4 , est bien à coup sûr, quelque chose d’admirable et qui 1. Si ce rapport exista, il ne fut apparemment pas publié (du moins entre septembre 1827 et décembre 1828). Pourtant, durant cette période, Derosne fit effectivement paraître plusieurs rapports dans le Bulletin . 2. L’enlèvement de Proserpine (v. 437). 3. La Vue intérieure de la basilique de Saint-Pierre de Rome fut exposée du 19 août 1827 au 14 mai 1828. On trouve aux Archives Nationales (BB 17 A 55, dossier 5) une invitation de Daguerre à l’adresse du ministre de la Justice, le priant d’assister à la première. 4. Charles-Marie Bouton.Peintre né à Paris en 1781,mort en 1853.Il fut avec Daguerre l’inventeur du Diorama, et porta au plus haut degré l’art de la perspective et de la distribution de la lumière. Cette direction de son talent vers les procédés matériels de la peinture fit de lui plutôt un décorateur qu’un grand peintre. Parmi ses tableaux on cite : les souterrains de Saint-Denis ; la porte Saint-Jacques à Troyes , 1810 ; les bains de Julien , 1814 ; trois intérieurs du musée des Petits-Augustins , 1812-17 ; la chapelle du Calvaire à Saint-Roch , 1817 ; saint Louis au tombeau de sa mère , 1819 ; Jeanne Gray allant au supplice , 1822 ; vue de la cathédrale de Chartres , 1833 ; vue intérieure de Saint-Etienne-du-Mont , 1842 ; etc. (D. & B.). C’est en 1822 que Bouton s’était associé avec Daguerre en vue de « l’établissement d’un spectacle qui porterait le nom de Diorama ». Les deux hommes y créaient des décors de théâtre de grandes dimensions cherchant à exposer des scènes d’un très grand réalisme. Pour cela ils n’hésitaient pas à disposer toutes sortes d’éléments animés en dehors de per- sonnages vivants (jeux d’eau, animaux…). Par ailleurs Daguerre développait toute sa science des éclai- rages, acquise pendant les années où il fut décorateur à l’Opéra, l’Ambigu, etc. pour changer l’atmosphère d’une même scène. L’ensemble créait l’illusion de la réalité à tel point que le Diorama connut un très grand succès. Par la suite, les associés adaptèrent à ces immenses décors le principe qui consistait à regarder les vues d’optique* en les éclairant soit par devant, soit par derrière. Dans le second cas, la scène était obser- vée en éclairage atténué, d’où un effet nocturne qu’on accentuait en peignant au dos de la vue un décor visant à masquer certaines parties de l’image pour faire apparaître des ombres nouvelles correspondant à la nuit. En passant de l’un à l’autre des deux éclairages, une même scène basculait progressivement du jour à la nuit. 427 1824 1829
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