Niépce correspondance et papiers

N IEPCE 783 produit l’illusion la plus complette ; mais rien n’est au dessus de deux vues peintes par M r . Daguerre : l’une d’Edimbourg, prise au clair de lune, au moment d’un incendie 1 ; l’autre d’un village suisse, prise à l’entrée d’une grande rue, et en face d’une montagne d’une hau- teur prodigieuse, couverte de neiges éternelles 2 . Ces représentations sont d’une telle véri- té, même dans les plus petits détails, qu’on croit voir la nature agreste et sauvage avec tout le prestige que lui prêtent le charme des couleurs et la magie du clair obscur. Le prestige est même si grand qu’on serait tenté de sortir de sa loge pour parcourir la plaine et gravir jusqu’au somet de la montagne. Il n’y a pas, je te l’assure, la moindre exagération de ma part 3 , les objets étant d’ailleurs, ou paraissant de grandeur naturelle. Ils sont peints sur toile ou taffetas enduits d’un vernis qui a l’inconvénient de poisser ; cequi nécessite des précautions lorsqu’il s’agit de rouler cette sorte de décoration pour la transporter ; car il est difficile en la déroulant, de ne pas faire quelques déchirures. Mais revenons à M r . Daguerre + ( à voir + ) 4 . Je te dirai, mon cher Isidore, qu’il persiste à croire que je suis plus avancé que lui dans les recherches qui nous occupent. Ce qui est bien démontré maintenant, c’est que son procédé et le mien sont tout-à-fait différens. Le sien a quelque chose de mer- veilleux, et dans ses éffets, une promptitude qu’on peut comparer à celle du fluide élec- trique. M r . Daguerre est parvenu à fixer sur sa substance chimique, quelques uns des rayons colorés du prisme. Il en a déjà réuni quatre, et il travaille à réunir les trois autres afin d’avoir les 7 couleurs primitives. Mais les difficultés qu’il rencontre, croissent dans le rapport des modifications que cette même substance doit subir pour pouvoir retenir plu- sieurs couleurs à la fois. Cequi le contrarie le plus surtout, et le déroute entierement, c’est qu’il résulte de ces combinaisons diverses des éffets tout opposés. Ainsi, // un verre bleu, qui projette sur la dite substance une ombre plus foncée, produit une teinte plus claire que la partie soumise à l’impression directe de la lumiere. D’un autre côté cette fixation des couleurs élémentaires, se réduit à des nuances fugitives si faibles qu’on ne les apperçoit point en plein jour ; elles ne sont visibles que dans l’obscurité, et voici pourquoi. La sub- stance en question est de la nature de la pierre de Bologne et du pyrophore. Elle est très- avide de lumiere, mais elle ne peut la retenir longtems, parceque l’action un peu prolongée de ce fluide, finit par la décomposer ; aussi M r . Daguerre ne prétend point fixer par ce pro- 1. Vue de la ville d’Edimbourg, pendant l’incendie du 15 novembre 1824. Exposée du 21 décembre 1826 au 13 novembre 1827.Seul tableau dans ce cas,ainsi que le soulignera Potonniée,cette vue sera présentée une seconde fois, du 20 janvier au 27 décembre 1832. 2. Vue du village d’Untersen, en Suisse, exposée du 24 août 1826 au 21 août 1827. 3. Le Diorama avait de quoi impressionner le visiteur. La salle, de douze mètres de diamètre, contenait trois cent cinquante places. Par rotation, elle venait se placer devant une ouverture de 7,5 m de large et 6,5 m de haut, faisant office d’avant-scène et dont les côtés allaient en s’évasant jusqu’au fameux tableau peint sur les deux faces qui mesurait 14 m de haut sur 22 m de large. C’est alors que le spectacle commençait. Au- delà du tableau, de grands châssis vitrés permettaient l’éclairage par derrière ou par transparence, tandis que d’autres châssis donnaient, depuis les combles, un éclairage par le haut et par le devant. En interposant devant ces châssis des panneaux translucides teints de différentes couleurs et actionnés par des cordages, on pouvait changer la tonalité générale ou locale du tableau, permettant ainsi de produire des effets allant du brouillard intense au soleil éclatant. Le spectacle durait environ quinze minutes, après quoi la salle entrait à nouveau en rotation et venait progressivement se placer devant une nouvelle ouverture identique à la précédente, pratiquée dans la circonférence. Un nouveau tableau se présentait à la vue des spectateurs et un nouveau quart d’heure d’animation par des jeux de lumière pouvait commencer. 4. En réalité assez énigmatique,cette annotation en marge est piquante au regard de ce qui suit.Nous ne pou- vons dire qui en est le scripteur : Nicéphore, Isidore, … ? 427 1824 1829

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