Niépce correspondance et papiers
784 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS cédé, l’image colorée des objets, quand bien même il parviendrait à surmonter tous les obs- tacles qu’il rencontre : il ne pourrait employer ce moyen que comme intermédiaire. D’après cequ’il m’a dit, il aurait peu d’espoir de réussir, et ses recherches ne seraient guere autre chose qu’un objet de pure curiosité. Mon procédé lui parait donc préférable et beaucoup plus satisfaisant à raison des résultats que j’ai obtenus. Il sent combien il serait intéressant pour lui de se procurer des points de vue à l’aide d’un procédé également simple, facile et expéditif 1 . Il désirerait que je fisse quelques expériences avec des verres colorés, afin de savoir si l’impression produite sur ma substance, serait la même que sur la sienne : je viens d’en commander cinq à Chevalier (Vincent) qui en a déja fait pour M r . Daguerre. Celui-ci insiste principalement sur la plus grande célérité dans la fixation des images ; condition bien essentielle en éffet, et qui doit être le premier objet de mes recherches. Quant au mode d’application à la gravure sur métal, il est loin de le déprétier ; mais, comme il serait indis- pensable de retoucher et de creuser avec le burin, il croit que cette application ne réussi- rait que très imparfaitement pour les points de vue. Cequi lui semble bien préférable, [...] 2 ( pour ) ce genre de gravure, c’est le verre en employant l’acide fluorique. Il est persuadé que l’encre d’impression appliquée avec soin à la surface corrodée par l’acide, produirait sur un papier blanc l’éffet d’une bonne épreuve, et aurait de plus, quelque chose d’original qui plairait encore d’avantage 3 . Le composé chimique de M r . Daguerre, est une poudre très-fine qui n’adhère point au corps sur lequel on la projette, cequi nécessite un plan horizontal. Cette poudre, au moindre contact de la lumiere, devient si lumineuse que la chambre noire en est parfaitement éclairée. Ce procédé a la plus grande analogie, autant que je puis me le rapeller, avec le sulfate de baryte ou la pierre de Bologne, qui jouit également de la pro- priété de retenir certains rayons du prisme 4 . .Du 4 7 bre . Tu auras sans doute reçu, mon cher Isidore, par la diligence, deux litres de pois hatifs* que nous avons fait acheter par le frère de Baptiste 5 . Tu auras soin de les faire semer avant l’hiver, et très-épais, afin qu’ils résistent mieux au froid, et que nous puissions 1824 1829 Des débuts de la photographie jusqu’à l’association avec Daguerre 1. Afin de les transposer sur toile, aux gigantesques proportions du Diorama. 2. Mot rayé, illisible. 3. Idée qui appartenait à Nicéphore. Il l’exposera dans la notice (v. 443) qu’il destinera à la Royal Society dans les termes suivants : « je suis porté à croire que le verre serait peut-être préférable. Il suffirait, après avoir opéré, de noircir légèrement la partie gravée, et de la placer sur un papier blanc, pour obtenir une épreuve vigoureuse. Mr. Daguerre, peintre du Diorama à Paris, m’a conseillé de ne pas négliger ce mode d’applica- tion ». La façon dont Nicéphore expose sa propre idée dans la présente lettre se retrouve souvent sous sa plume. Dans la plupart des cas, l’ambiguïté qui pourrait laisser penser qu’elle n’est pas de lui passe inaper- çue parce que la vérité nous est connue par ailleurs. En voici quelques exemples : « Il [Daguerre] m’engage donc fortement à poursuivre mes essais sur la gravure, surtout quant à leur application aux points de vue » (v. supra) ; « on [Bauer, Home, Young, Wollaston et autres] m’engage fortement à la [sa découverte] perfec- tionner » (v. 454) ; « ils [Lemaître et Daguerre] m’ont bien recommandé de profiter de la belle saison pour donner suite à mes recherches » (v. 466). 4. Le procédé que Daguerre exposa devant Niépce ce jour-là consistait donc à envoyer la lumière transmise par l’objectif de la chambre obscure sur un miroir incliné à 45° qui la réfléchissait sur un plan horizontal où était disposée une poudre phosphorescente. La poudre soumise à la lumière demeurait ensuite lumineuse dans l’obscurité, donnant l’impression d’avoir emprisonné la lumière pour la restituer lentement. Il n’y avait bien entendu aucune permanence de l’image qui s’évanouissait progressivement. Par ailleurs, c’est ici que se situent dans le temps:1° la requête adressée le 3 septembre,par Antoine Mignon au chef du bureau des pas- seports (v. 428), 2° la réponse du préfet de Saône-et-Loire, datée du même jour (v. 429). 5. Michel Fleurot.
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