Niépce correspondance et papiers

830 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS Lemaître. Il était surtout intéressant pour moi, de suivre de près la confection des objectifs périscopiques que j’avais commandés à l’opticien Chevalier, les quels ne sont que depuis deux jours à ma disposition 1 . Ainsi j’emporterai avec moi, bien des choses que je n’aurais pu me procurer à Châlon, et qui me seront d’une grande utilité d’après la détermination que j’ai prise de suivre mes recherches héliographiques et de les terminer promptement. Je sens d’ailleurs combien j’ai besoin de faire diversion à mes peines ou plutôt à nos peines ; car nous avons été tous trop profondément affectés pour ne // pas éprouver tous le même besoin. M r . H[a]nry m’a fait remettre la musique que M r . de Champmartin lui avait deman- dée, et nous l’emporterons avec nous. J’ai reçu ta lettre du 12, mon cher Isidore. Je suis trop pressé pour y répondre : je te dirai seulement que nous avons été l’un et l’autre aussi tou- chés de l’expression de vos tristes regrèts, que sensibles aux choses consolantes que votre tendre affection pour nous vous a suggerées dans une circonstance dont le tems seul peut adoucir, mais ne saurait éffacer le souvenir 2 . Adieu, mes chers enfans ; mille choses hon- nêtes et amicales à M r . et M me . de Champmartin. Ne nous oubliez pas auprès de notre cher pasteur, et recevez l’assurance de notre affection en attendant que nous ayons le plaisir de vous embrasser. ://: N. Niépce. P.S. Ne parlez à personne autre, de notre arrivée 3 ./. .Bien le bonjour à tous nos gens./. ://: Monsieur, Monsieur Isidore Niépce, rue de l’Oratoire, .à Châlon sur Saône, .Saône & Loire. 1824 1829 Des débuts de la photographie jusqu’à l’association avec Daguerre 1. Ces objectifs étaient conçus sur le modèle de ceux dont Wollaston avait équipé sa « nouvelle chambre » (v. 454). Nicéphore jugera leurs foyers trop courts (images trop petites) pour pouvoir représenter aisément les objets éloignés (v. 482). 2. Cette lettre, en date du 12 février 1828, est inconnue. Les éléments que Nicéphore en fait ressortir, sont d’une importance capitale. Ils prouvent de la manière la plus formelle qu’Isidore savait que Claude était mort. Ceci ne l’empêchera pourtant pas, dix jours plus tard, d’agir « au nom, et comme se faisant et portant fort pour Monsieur Joseph Claude Niepce, son oncle, propriétaire demeurant audit Gras, étant actuellement en Angleterre, avec promesse de lui faire ratifier incessamment les présentes » (v. 457). Rappelons que le 24 janvier, Nicéphore et Agnès se trouvaient encore à Kew, ne sachant s’ils allaient partir bientôt : « nous ne pouvons rien décider là-dessus », écrivait Nicéphore (v. 454). Finalement, le départ se fit au cours des onze jours suivants, probablement entre le 30 janvier et le 3 février (étant précisé qu’Agnès et Nicéphore n’ont pu arriver à Paris ni avant le 3 février, date à laquelle Daguerre écrivit à Kew, ni après le 9). Claude étant mort le 5, Nicéphore fut informé dès le 9. Le jour même, il s’empressa de faire part de la nouvelle à Isidore qui, par retour du courrier, le 12, adressa ses condoléances à son père. Nous fondons cette chronologie approxima- tive : 1° sur la durée moyenne d’acheminement du courrier entre Kew et Paris (4 jours), et entre Paris et Chalon (3 jours), 2° sur la supposition que les correspondants en cause réagirent sans délai, hypothèse plus que vraisemblable vu les circonstances. 3. Telle était la raison de la conspiration dont nous avons parlé : le retour de Nicéphore devait se faire dans la plus grande discrétion. Celui-ci était porteur de terribles nouvelles au regard de ses créanciers. En appre- nant, d’une part « que la grande nouvelle et la réussite du mouvement perpétuel n’étaient que les vains prestiges d’une imagination délirante » (v.434),d’autre part que Claude était mort,ceux-ci ne manqueraient pas d’exiger le remboursement immédiat des sommes dues. A cette conséquence s’en ajouterait une seconde, au moins aussi grave : lorsqu’on saurait Nicéphore aux abois, tout espoir de vendre ses domaines un bon prix, s’évanouirait immanquablement.

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