Niépce correspondance et papiers

N IEPCE IX Pour l’heure, la Compagnie vient d’avoir cent ans et le gouvernement lui permet d’émettre un emprunt. Affaiblie depuis vingt-cinq ans, en partie ruinée par les guerres coloniales et maritimes, privée de ses principaux territoires et comptoirs, la Compagnie a vu ses bénéfices commerciaux réduits à presque rien ; ses actions qui avaient atteint 2.316 livres en 1740, n’en valaient pas même le tiers à la fin de la guerre de Sept ans. Grâce à l’emprunt de 1765 et à un second, en 1767, le commerce reprendra avec une activité telle que ses bénéfices atteindront 6 millions. Néanmoins sous la pression des économistes qui par- viendront à mettre tout le monde contre elle, le privilège de la Compagnie des Indes sera supprimé quatre ans plus tard. Alors que Dupont de Nemours, l’un des plus célèbres disciples de Quesnay, entreprend la rédac- tion du Journal de l’Agriculture, du Commerce et des Finances, les dettes laissées par la guerre et sur- tout par le mauvais régime financier du royaume maintiennent l’Etat dans une pénurie extrême. La banqueroute, déjà vécue en 1759 sous l’administration de Silhouette, deviendra chronique sous celle de l’abbé Terray, dix ans plus tard. Révoltés par le « déluge d’impôts » qui ravage la France, les Parlements mettent en cause le régime politique, s’en prennent à la monarchie absolue. Exécrés et dénoncés en bloc, agents de perception, fermiers généraux et financiers sont traités de concussionnaires, de « pillards généraux ». La France entière se passionne pour la réforme finan- cière. Malgré une déclaration de mars 1764 interdisant d’écrire sur ce sujet, les brochures pullulent. En proposant, dans La Richesse de l’Etat, de substituer à l’ensemble des impositions un impôt pro- portionnel à la fortune, le conseiller au Parlement de Paris Roussel de La Tour obtient un vif succès. Pourtant la nomination du conseiller L’Averdy au Contrôle général, en décembre 1763, avait été bien accueillie. Flatté de ce choix, le Parlement de Paris y avait vu une chance pour l’Etat de se réta- blir. L’Averdy étant honnête homme et passant pour sage, on avait voulu croire qu’il allait faire des économies, opérer des « retranchements ». Une ordonnance de juillet 1764 autorisant la libre circu- lation des grains dans le royaume, les physiocrates s’en félicitèrent, les philosophes annoncèrent l’amélioration prochaine du sort des paysans. Mais il apparut bientôt que L’Averdy, prisonnier du système en place, ne pourrait ni mener à bien son projet de réforme financière ni faire mieux que ses prédécesseurs. Le 2 avril 1764, Voltaire écrivait à ce sujet : « Tout ce que je vois jette les semences d’une révolution qui arrivera immanqua- blement, et dont je n’aurai pas le plaisir d’être le témoin ». De fait les impôts augmentent, de nouvelles dettes sont contractées, et c’est en partie à l’admi- nistration de L’Averdy que sont imputables les graves troubles qui agitent la Bretagne. C’est aussi L’Averdy qui, le 28 août 1765, croyant le marché avantageux pour l’Etat, signe avec la Compagnie Malisset, lui-même gardien de la réserve de grains de Paris, le fameux contrat portant « sur toutes les opérations relatives à l’entretien et à l’approvisionnement des magasins du roi », contrat où l’on croira voir un « pacte de famine » ourdi par une société organisée, susceptible d’avoir rapporté « des millions, ou plutôt des milliards », non seulement aux associés de Malisset mais encore à plusieurs intendants de finances et à plusieurs ministres, notamment Choiseul et L’Averdy. Telles sont alors la hantise de la disette, la prévention contre l’accaparement et les affameurs, que l’imprudent contrat de 1765 sera jugé responsable des trois grandes famines qui désoleront la France de 1767 à 1789. En 1753 déjà, le bruit avait couru que le service d’approvisionnement en grains de Paris réalisait des bénéfices. Les affaires de Bretagne couvent depuis 1763, année où les Parlements se sont soulevés violem- ment contre les mesures fiscales de Bertin, le prédécesseur de L’Averdy. Par ailleurs, elles s’expliquent

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